Les alcooliques LGBTQ des AA

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Les Alcooliques Anonymes sont une association d’hommes et de femmes qui partagent entre eux leur expérience, leur force et leur espoir dans le but de résoudre leur problème commun et d’aider d’autres alcooliques à se rétablir.

• Le désir d’arrêter de boire est la seule condition pour devenir membre des AA. Les AA ne demandent ni cotisation ni droit d’entrée ; nous nous finançons par nos propres contributions.

• Les AA ne sont associés à aucune secte, confession religieuse ou politique, à aucun organisme ou établissement ; ils ne désirent s’engager dans aucune controverse ; ils n’endossent et ne contestent aucune cause.

• Notre but premier est de demeurer abstinents et d’aider d’autres alcooliques à le devenir.

 

Les alcooliques LGBTQ des AA

Avez-vous un problème d’alcool ?

Il peut être difficile pour beaucoup d’entre nous d’admettre et d’accepter que nous avons un pro­blème avec l’alcool. Quelquefois, l’alcool semble être la solution à nos problèmes, la seule chose qui nous rend la vie supportable. Mais si, quand nous jetons un regard honnête sur nos vies, nous voyons que les problèmes semblent apparaître quand nous buvons (des problèmes à la maison ou au travail, des problèmes de santé, de stabilité émotionnelle ou de vie sociale) il est plus que pro­bable que nous ayons un problème d’alcool.
Si vous croyez avoir peut-être un problème avec l’alcool, nous, chez les Alcooliques ano­nymes, vous invitons à nous rejoindre. Chez les AA, vous trouverez une communauté de gens similaires, de tous les milieux et de tous les types. Pour ceux d’entre nous qui s’identifient comme lesbienne, gai, bisexuel, transgenre, queer (LGBTQ) ou qui s’interrogent, AA offre une main tendue, un cœur ouvert et un programme de

rétablissement inspirant qui peut nous sauver la vie. Depuis la fondation des AA, par un alcoolique en aidant un autre, à Akron, dans l’Ohio, le 10 juin 1935, l’espoir du Mouvement a toujours été
de toucher chaque alcoolique qui a besoin et veut de l’aide.

Comme le cofondateur des AA, Bill W., a noté en 1940 : « Tous ceux ayant un problème d’al­cool et désirant s’en libérer pour pouvoir bien s’adapter aux circonstances de leur vie deviennent membres des AA, simplement en s’associant à nous. Il ne faut rien d’autre que de la sincérité, et nous ne l’exigeons même pas. »

Ensemble, nous partageons un lien profond et fondamental, car nous avons appris que n’importe qui peut souffrir de la maladie de l’alcoolisme. Nous avons aussi appris que quiconque veut arrê­ter de boire peut trouver de l’aide et le rétablisse­ment au sein des Alcooliques anonymes.

Les histoires qui suivent transmettent l’expé­rience, la force et l’espoir d’une large variété de membres LGBTQ des AA. Nous espérons que vous découvrirez, comme ces individus l’ont fait, que vous êtes les bienvenus chez les Alcooliques anonymes et que, vous aussi, pouvez trouver une nouvelle liberté et un nouveau bonheur dans ce mode de vie spirituel.

Katie

« J’ai toujours su que j’avais une connexion profonde et maladive avec l’alcool. »

Mon nom est Katie et je suis une vraie alcoolique. M’identifier comme tel est quelque chose que je ne prends pas à la légère, et j’en suis reconnais­sante tous les jours. Pendant 15 ans, j’ai passé la majeure partie de mon temps à prendre des verres de tout ce qui me tombait sous la main, faisant semblant d’être la fille que je croyais que les autres voulaient que je sois : heureuse, confiante et pleine de vie. J’ai travaillé fort pour dissimuler le fait que je n’étais rien de cela et j’ai passé la plupart de mes jours désespérée, effrayée et honteuse.

J’avais la mentalité d’une alcoolique à un âge précoce. Je me sentais toujours un peu « à part » et peu sûre de moi. En grandissant dans une grande famille irlandaise, j’ai associé la boisson au rire, aux histoires et à la camaraderie. Dès mon premier verre, en huitième année, jusqu’à ma dernière cuite plusieurs années plus tard, l’obses­sion de me sentir « inclue » était manifeste, et je me suis accoutumée à l’aisance et au calme que me procurait l’alcool. Je n’ai jamais bu « normale­ment » comme mes amis, et j’ai vite cru que mon sens de la fête était un don. J’étais la fille qui savait faire la fête, celle prête à n’importe quoi, prête à tout dans n’importe quelle situation.

Tout comme le fait d’être irlandaise, boire est devenu une partie importante de mon identité et de qui je croyais être. Cela me permettait aussi de facilement cacher des parties de moi-même que je n’aimais pas. À l’université, j’ai bu entre les cours et j’étais toujours occupée à planifier ma prochaine fête, ayant secrètement peur que les nouvelles de ma sexualité émergente ne par­viennent d’une façon ou d’une autre jusqu’aux oreilles de ma famille. Pour éviter les responsabili­tés et acquérir une réputation, il fallait boire beau­coup, et j’ai passé plus de temps à me remettre de gueules de bois en dormant qu’à faire quelque chose de ma personne.

Après avoir fait mon coming out à mes parents à 25 ans, j’ai pensé que le pire était derrière moi. J’avais même commencé à croire que ma lourde consommation pouvait facilement être attribuée à mes anxiétés et à ma peur de révéler qui j’étais. Après tout, la crise d’identité que je m’infligeais à moi-même était une formidable excuse à ma mau­vaise conduite. Cependant, quelques années ont suffi pour que je ne me retrouve à boire une bou­teille par jour. J’étais toujours incapable de mener ma vie. Mes relations étaient souvent pénibles et abusives, alimentées par les insécurités et l’alcool, et mes défauts de caractère faisaient que tous les jours de ma vie n’étaient que lutte au travail et à la maison.

Sortir avec des partenaires trans et de genre non conforme a aggravé mon angoisse. J’avais le sentiment que mon identité nouvellement formée de femme lesbienne était menacée. Défendre ma sexualité et mes relations auprès de ma famille et de mes amis me mettait mal à l’aise. J’en étais furieuse et pleine de ressentiment. Je m’étais convaincue que boire m’aidait à faire face à mes émotions et à oublier mes peurs, mais en réalité, cela ne faisait qu’empirer les choses.

À la différence de beaucoup qui sont pris dans le déni, j’ai toujours su que j’avais une connexion profonde et maladive avec l’alcool, mais ce n’est pas avant que ma partenaire fasse ses valises pour la troisième et dernière fois, menaçant de dispa­raître pour toujours, que j’ai ressenti un désespoir pressant. Ils disent que ça prend ce que ça prend pour arriver ici, et en ce jour froid de février, j’étais enfin arrivée au bout de ma corde usée.

Merci à Dieu pour les Alcooliques anonymes et à ce programme de rétablissement insensé­ment pratique (et pourtant totalement magique). Depuis le moment où j’ai pris la décision d’assister à ma première réunion, ma vie s’est améliorée. J’ai sauté à pieds joints et j’ai suivi un régime de 90 réunions en 90 jours, ce que m’avait suggéré un autre membre. Ça n’a pas été facile, mais j’avais la volonté de connaître ce qu’il y avait de l’autre côté de cette « abstinence » insaisissable dont tous parlaient.

Je voulais ce qu’ils avaient et j’ai bientôt com­mencé à prendre des engagements et à m’investir dans mon groupe d’attache, construisant ainsi une fondation qui continue à me servir aujourd’hui. Pour quelqu’un avec un besoin si profondément ancré de s’intégrer, c’était un énorme soulagement de trouver des réunions LGBTQ en ligne et dans l’annuaire. En plus, je me suis rendue compte que ma nouvelle identité d’alcoolique me reliait aux hommes et aux femmes dans chaque réunion. Je me suis sentie accueillie parmi mes semblables : hétéros, gais et tout ce qu’il y a entre les deux. Par le biais d’un parrainage solide, en travaillant les Douze Étapes et en suivant les Traditions, j’ai com­mencé lentement à accepter qui je suis, avec mes défauts et tout le reste, et à devenir une femme attentive et guidée par des objectifs.

J’entends souvent les gens partager dans les réunions qu’ils ont retrouvé leurs vies. Grâce à Dieu tel que je le conçois, une marraine qui me garde en alerte et un Mouvement acceuillant, j’en suis venue à connaître une toute nouvelle vie. Mon but premier aujourd’hui est de me souvenir que je suis une parmi d’autres, pour être utile et vivre aussi authentiquement que possible — heu­reuse, joyeuse et libre, un jour à la fois.

Daniel

« Mon alcoolisme avait développé une vie à part entière et je ne pouvais plus en arrêter la progression. »

J’ai découvert ma sexualité au même âge où j’ai commencé à boire. Je ne buvais pas en secret, mais je cachais que j’étais gai à la plupart des gens. Je me rendais dans les clubs gais, dans une autre ville, le week-end. Je ne ressentais pas de honte, de culpabilité ou de remords d’être gai, ni alors ou ni depuis. Mais, adolescent, j’avais reçu plusieurs fois des raclées pour cette raison. Avec l’âge, j’avais donc appris à faire de grands efforts pour garder ce côté de ma vie privé.

À 25 ans, j’ai rencontré un homme de qui je suis tombé profondément amoureux. Et c’est à ce moment là que je me suis finalement révélé à tout le monde dans ma vie. Mes parents n’avaient aucune idée jusqu’à ce que je leur dise. L’ impor­tant, c’était que pour la première fois, j’étais vrai­ment honnête avec les autres. Je ne me souciais plus de ce que qui que ce soit pourrait penser de moi. Et ce fut un vrai moment de bonheur dans ma vie, en raison de ce sentiment de liberté. La relation n’a pas duré longtemps, par contre, mais même cela ne m’a pas découragé.

Alors pourquoi ma consommation a-t-elle subi­tement augmenté en même temps ? La consom­mation de la plupart des personnes normales diminue alors qu’elles avancent en âge et mettent leurs vies en ordre. Mais apparemment, je ne suis pas un de ces buveurs ordinaires ! Le phénomène de besoin compulsif a complètement pris le des­sus. Et ainsi, ce qui arrivait dans ma vie n’avait plus d’importance. Mon alcoolisme avait dévelop­pé une vie à part entière et je ne pouvais plus en arrêter la progression.

Un jour, en 1994, je me suis écroulé à mon travail. J’ai eu un genre de crise de nerfs. Une collègue m’a trouvé, m’a calmé, et m’a amené à ma première réunion des AA la fin de semaine sui­vante. J’ignorais totalement qu’elle était dans les AA. Une chose dont je me souviens clairement de cette réunion est d’avoir vu les Douze Étapes sur le mur. J’ai remarqué que les premiers mots de la Première Étape étaient « Nous avons admis. » Et j’ai compris exactement ce que cela signifiait. J’avais traversé l’épreuve du coming out, mais cela ne consistait qu’à accepter qui j’étais. Dès que j’ai commencé à feuilleter le Gros Livre, j’ai tout de suite saisi mon alcoolisme. Donc j’ai fait une sorte de coming out avec mon alcoolisme, assez rapide­ment. Je l’ai admis à tous ceux qui se trouvaient dans ma vie. Et ça doit avoir fonctionné, parce que j’ai pris mon dernier verre cette même semaine !

Une vieille connaissance que je n’avais pas vue au cours des dernières années était à cette réunion et elle est devenue ma marraine temporaire. Gloria m’a amené à quelques réunions gaies, m’a donné un exemplaire du Gros Livre et m’a présenté à ses amis du Mouvement. Donc je suis l’un des chan­ceux qui avait quelqu’un à ses côtés dès le premier jour. Mon espoir est que tous les nouveaux venus soient aussi bien accueillis que je l’ai été par son groupe. Encore plus important, elle m’a aidé à me mettre en contact avec un Dieu tel que je Le conçois, dès le début. Nous avons tous les deux remarqué l’ironie de sa présence lors de ma pre­mière réunion, celle à laquelle quelqu’un d’autre m’avait amené. Étant donné qu’il y a plus de 300 réunions hebdomadaires dans ma région, il s’agis­sait d’une « coïncidence » assez remarquable.

Je dois souligner quelle image puissante c’était pour moi de voir des alcooliques gais dont les vies ne tournaient pas autour de la culture des bars, qui avaient de bonnes relations et amitiés et qui avaient beaucoup de plaisir à vivre. Ainsi, les réunions gaies étaient très importantes pour moi quand j’étais nouveau. Mais j’ai été aussi accueilli et respecté lors de toutes les autres réunions auxquelles j’ai assisté. Chez les AA, je n’ai jamais eu à me préoccuper de l’homophobie de qui que ce soit. Ils m’acceptent tel que je suis. Et j’en suis très reconnaissant.

J’ai rapidement trouvé un parrain masculin, hétérosexuel qui était plus vieux que moi, et il m’a accompagné au travers des Étapes. J’ai aussi parrainé des hommes hétéros au cours des ans. J’ai constaté que quand le parrain et le nouveau ont des styles de vie complètement dif­férents, cela force les deux à se concentrer sur ce qu’ils ont en commun en tant qu’alcooliques. Et, pour moi, cela renforce le lien encore davantage. Puisque je suis très ouvert au sujet de ma vie, de mes peurs et de mes combats, mes filleuls m’ont dit qu’ils se sont sentis confortables de parta­ger leur Cinquième Étape avec moi. Ils avaient confiance en moi pour ne pas poser de jugements, ils savaient que je ne désapprouverais pas de quoi que ce soit qu’ils puissent partager avec moi. C’est un véritable cadeau de savoir que je peux aider de cette manière, surtout en pensant que pendant longtemps, je n’ai pu dire à personne qui j’étais vraiment.

John

« Je profite de chaque occasion pour partager mon histoire et être utile et je ne me suis jamais senti jugé. »

Je suis membre des Alcooliques anonymes depuis environ trois ans, bien que j’aie souffert de mon alcoolisme pendant 15 ans avant de me tourner vers les AA. On m’a présenté le programme en prison. J’ai grandi dans une famille très religieuse et, parce que je suis gai, je ne me suis jamais senti à ma place. Lors de mes passages dans les centres de traitement ou de détention, on m’avait sou­vent dit que les AA étaient ce dont j’avais besoin. Mais après un coup d’œil rapide aux Étapes, le mot Dieu m’avait toujours arrêté : je ne croyais pas pouvoir être accepté dans le programme ou par Dieu. Ainsi, jusqu’à il y a environ trois ans, je n’avais même pas essayé.

Il y a quelques années, pendant que j’étais en prison, une conseillère a recommandé de nouveau que je donne une chance aux AA. Immédiatement, j’ai monté ma garde, mais à ce moment-là, j’étais disposé à essayer n’importe quoi pour sortir de prison. Elle m’a présenté à un parrain potentiel, et après notre première rencontre, j’étais disposé à continuer. Ce parrain était gai lui aussi. Il était dans le programme depuis plus de 20 ans. Il était comme moi, et son histoire m’a donné de l’espoir. J’ai vu que, non seulement il avait été accepté dans le programme des Alcooliques anonymes, mais il avait été aussi accepté par Dieu. Il avait surmonté les tragédies et la misère de son passé et partageait maintenant son histoire de force, d’espoir et d’expérience avec moi.

J’ai continué à partager avec mon parrain et j’ai commencé à travailler les Étapes. Ma vie a com­mencé à changer radicalement, même derrière les barreaux. J’ai commencé à présider une réunion dans la prison et peu importe à quel point nous étions tous différents, nous étions tous semblables dans ces salles.

Ça fait maintenant huit mois que je suis sorti de prison. Je suis toujours très actif dans le pro­gramme. Je vis dans une communauté assez petite et très religieuse, dans l’Idaho. Bien qu’il n’y ait pas beaucoup d’autres personnes gaies/lesbiennes dans le programme ici, j’ai été très bien accepté. Je profite de chaque occasion pour partager mon histoire et être utile et je ne me suis jamais senti jugé. En janvier de l’année prochaine, je serai le secrétaire nouvellement élu de mon groupe d’attache ici à Idaho Falls. Je suis très heureux d’être capable de me rendre utile de cette manière.

Avec les Alcooliques anonymes, j’ai appris par l’expérience que qui nous sommes, d’où nous venons, ou comment nous menons nos vies per­sonnelles n’importe pas vraiment. Tout ce qui compte, c’est que nous partagions le désir d’arrê­ter de boire. Comme membres et comme alcoo­liques en rétablissement, nous avons tous cela en commun.
J’ai hâte de continuer à vivre au sein des Alcooliques anonymes et de continuer à servir. Sans ce programme, je souffrirais toujours et je ne serais qu’un alcoolique gai de plus. Avec le programme, je suis respecté, estimé et en rétablis­sement.
Merci aux Alcooliques anonymes !

Bootsie

« Solitaire et isolée, je suis tombée amoureuse de l’alcool à 14 ans. »

Je suis une alcoolique bisexuelle. Avant d’arriver aux Alcooliques anonymes, je croyais qu’il s’agis­sait des deux pires choses qu’un être humain puisse être. Je nourrissais de la culpabilité, de la honte et des remords face à qui j’étais et aux choses que je faisais. Aujourd’hui, après avoir travaillé les Douze Étapes et avoir été acceptée par des parrains aimants, je m’accepte et je ne suis plus accablée par la honte.

J’ai grandi dans les années 70 dans un foyer prospère de la classe moyenne avec un beau-père absent émotionnellement et une mère brutale dont la plus grande inquiétude était ce que les autres allaient penser. Elle tenait catégoriquement à ce que je ne parle jamais de ce qui se passait à la maison.

J’étais terrifiée chaque jour de ma vie. J’étais brutalisée à la maison et harcelée à l’école. J’étais incapable de me défendre. Je croyais être un monstre. Car sinon, pourquoi les autres étaient-ils si cruels avec moi ?
À l’âge de 10 ans, je savais que j’aimais autant les garçons que les filles. Quand je me suis laissée aller à avouer à une institutrice que j’étais amou­reuse d’elle, ma mère a été informée. On m’a fait sentir coupable et on m’a interdit de discuter de ces sentiments avec qui que ce soit.

Solitaire et isolée, je suis tombée amoureuse de l’alcool à 14 ans. Avec lui, j’étais séduisante, populaire et capable de flirter. J’ai immédiate­ment connu des trous de mémoire. Je redou­tais le lendemain d’une fête, quand mes amis me diraient ce que j’avais fait. Mon comportement se résumait souvent à retirer mes vêtements devant tout le monde, partir avec le ou la partenaire de quelqu’un d’autre et avoir des rapports sexuels avec à peu près n’importe qui.

J’ai participé à un groupe pour jeunes gais et lesbiennes, mais je me sentais toujours différente. La bisexualité est quelquefois perçue comme de la « confusion » ou une incapacité à se décider. Souvent, aux yeux des gens, tant gais qu’hétéros, les bisexuels sont en fait homosexuels, mais dans le déni. Pour beaucoup de bisexuels, s’identifier comme gai ou lesbienne ou comme hétéro est la solution facile. Je ne me sentais acceptée ni dans la communauté gaie ni parmi les hétérosexuels.

Je savais que quelque chose n’allait vraiment pas chez moi, et je me disais que ce devait être ma sexualité. Je n’ai jamais pensé que c’était ma consommation. La psychothérapie ne m’a pas gué­rie (je n’étais pas honnête au sujet de ma consom­mation). Honteuse de ma sexualité, j’ai enfin trou­vé une solution grandiose : me marier ! J’ai choisi l’homme le plus macho que je pouvais trouver (un officier des Forces Spéciales Américaines) et j’ai souffert pendant sept ans dans un mariage physi­quement abusif. Mais je n’étais toujours pas « gué­rie » ni de ma bisexualité ni de mon alcoolisme.

Mon problème d’alcool s’est aggravé. Je buvais périodiquement. Mes beuveries étant ponctuées par des périodes d’abstinence. Puisque je ne buvais pas le matin, et jamais tous les jours, et parce que j’avais (de justesse) toujours un travail, un appartement et une voiture, mon déni ne faisait que croître. Mais les périodes entre les beuveries étaient de plus en plus courtes. Quand je suis arri­vée chez les Alcooliques anonymes, je n’étais pas loin de boire tous les jours.

Je me suis identifiée tout de suite, mais il a fallu encore trois ans de misère avant de capituler. Je travaillais les trois premières Étapes, mais j’étais coincée à la Quatrième ; pour cette étape il me fal­lait faire un inventaire et faire preuve d’honnêteté. Je savais qu’au fond de moi, je ne trouverais que pourriture nauséabonde.

Mon premier parrain (un homme gai) m’a fait le plus beau des cadeaux : il m’a écouté pendant un après-midi entier alors que je parcourais les pages de mon inventaire. De temps en temps, il me lançait quelques mots d’encouragement, mais par dessus tout, il a écouté. Après des années de silence, mes secrets les plus terribles ont été acceptés et reçus avec amour. Et au lieu du désordre puant que je m’attendais à trouver au fond de moi, j’ai découvert que j’étais un humain en souffrance qui avait commis quelques terribles erreurs. J’étais responsable de mes actions. Mais en travaillant les Étapes, je serais capable de chan­ger mon comportement.

J’ai déménagé peu de temps après cela, et j’ai trouvé une femme hétérosexuelle avec quelques décennies d’abstinence, qui est devenue ma mar­raine. J’étais terrifiée à l’idée qu’elle me rejette si je révélais ma bisexualité. Je lui ai dit que j’avais quelque chose à lui avouer, mais que j’avais peur de sa réaction. Elle a dit : « Je suis là. Dis moi ce que tu as besoin de me dire pour ne pas retourner boire. » Je lui ai dit ; elle a répondu : « Je suis tou­jours là. Tu as besoin de me dire autre chose ? »

Grâce à l’acceptation et à l’amour de ces par­rains, j’ai été capable de m’accepter et de m’aimer. À sept ans d’abstinence, j’ai rencontré un homme bisexuel et nous nous sommes mariés. Nous étions capables d’être tant ouverts qu’honnêtes au sujet de nous-mêmes. Ensemble nous avons tenu le groupe AA « Bienvenus aux bisexuels et à tous les autres ». Notre relation a duré 10 ans, puis nous avons divorcé amicalement.

Je ne crois plus qu’être alcoolique et bisexuelle fait de moi quelqu’un d’affreux. Je suis un être humain, avec ses défauts, comme nous le sommes tous. J’accepte que ma Puissance Supérieure m’a faite exactement comme je suis censée être. En partageant mon histoire de rétablissement et de vie telle qu’elle est, j’espère être utile à un autre alcoolique qui lutte avec les mêmes sentiments.

Chris

« Si je ne peux accepter qui je suis au fond de moi, alors j’aurais peur, et la peur me donnera soif, et pour moi, boire est synonyme de la plus grande des solitudes. »

Mon nom est Chris et je suis certainement un alcoolique. J’ai 24 ans et je suis abstinent depuis deux ans. Le rétablissement a été un processus déconcertant et pénible au commencement, mais il a fait place à la joie et à la sérénité.

J’ai pris mon premier verre à 11 ans. Ma famille pensait qu’il n’y avait rien de mal à donner à un enfant un coup de brandy en hiver et un verre de vin à l’occasion, au souper. Durant l’adolescence, je buvais des litres de vodka avec des amis, et je faisais la fête toute la nuit. J’ai toujours su que j’étais dans le mauvais corps et l’alcool m’a aidé à refouler cette pensée au plus profond de moi. C’était difficile de vivre ce mensonge, de placer la barre de la masculinité toujours plus haut, pour tenter de m’intégrer à cette société qui me dictait qui je devais être. Mais comme je l’ai dit, l’alcool m’a aidé à vivre dans le mensonge.

Vers la fin de ma période active, j’avais des pertes de mémoire et j’étais sur le point d’aller en prison pour ne pas avoir terminé un programme de traitement. Dans les salles, j’avais vu des alcoo­liques heureux, prospères, abstinents, mais je croyais sincèrement ne jamais pouvoir trouver ce qu’ils avaient. J’ai passé deux ans en prison, où j’ai finalement décidé d’écrire à un ami dans le pro­gramme pour lui demander d’être mon parrain. J’ai pris mon dernier verre de baboche peu de temps après et j’en suis venu à m’identifier à l’al­lergie à l’alcool décrite dans la section « L’Opinion d’un Médecin » du livre Les Alcooliques Anonymes.

Je n’oublierai jamais la douleur de ce dernier verre. Après avoir écrit à cet ami, j’ai commencé à travailler les Étapes avec lui, par la poste. Quand je suis arrivé à la Quatrième Étape, j’ai écrit à pro­pos du ressentiment que j’avais contre moi-même pour mon manque d’acceptation envers mon iden­tité de genre.

Ce fut un tournant important dans mon absti­nence. Je suis devenu honnête avec moi-même, ma Puissance Supérieure et mon parrain, et une porte s’est ouverte sur la liberté. Je n’ai aucune illusion : procéder à un changement de sexe ne me guérirait pas de mon alcoolisme. Cependant, je ressens intensément que si je ne peux accepter qui je suis au fond de moi, alors j’aurais peur, et la peur me donnera soif, et pour moi, boire est syno­nyme de la plus grande des solitudes.

À ma sortie de prison, je suis revenu à la mai­son avec un an d’abstinence. J’ai fait mes pre­mières réunions. Je continue à pratiquer les Douze Étapes. J’ai beaucoup de gratitude. J’ai trouvé un thérapeute qui m’a aidé avec ma transi­tion et j’ai rencontré beaucoup de personnes trans dans les salles des AA. J’ai l’intention de commen­cer à prendre des hormones féminines bientôt. Avec l’aide d’une Puissance Supérieure qui m’a appris à être utile, j’envisage aussi de rester abs­tinent au travers des hauts et des bas de la vie, aussi bien que pendant ma transition, peu importe si cela me met mal à l’aise ou non.

Patrick

« La vie abstinente qui me faisait horreur est maintenant une belle vie… »

Quand le conseiller en alcoolisme nommé par la cour m’a dit que j’étais « condamné » à assister à trois réunions des AA par semaine pendant deux ans, j’ai été rempli d’horreur. J’ai eu l’impression que ma vie telle que je la connaissais était termi­née. Cependant, l’alternative, c’était de passer ce temps en prison, alors j’ai accepté à contrecœur ce triste revers du sort. Le conseiller m’a aussi dit : « Je pense que je connais une réunion qui serait parfaite pour toi ». J’en ris encore intérieurement : « Comment a-t-il su qu’il devait m’envoyer à une réunion LGBTQ des AA ! ? » Le soir suivant, j’ai pris mon formulaire de la cour et je suis parti à la recherche de cette réunion. À ma grande horreur, je l’ai trouvée, à l’arrière d’un centre commercial délabré où on ne m’aurait jamais vu en temps nor­mal. Je ne suis pas allé ce soir-là.

Le soir suivant, je me suis retrouvé devant cette même porte, prêt à m’enfuir, quand un mon­sieur s’est avancé et a dit : « Nouveau ici ? Viens, je vais te faire visiter. » Il est devenu mon premier parrain et m’a accompagné dans les trois pre­mières Étapes avant de déménager à Phoenix. Les membres du groupe m’invitaient à aller manger avec eux après les réunions. J’ai refusé plusieurs fois, puisque je ne savais pas comment me com­porter avec des gens abstinents alors que je l’étais aussi ! Mais ils n’ont pas renoncé. Ils ont continué à m’inviter et quand j’ai finalement accepté, ces « réunions d’après réunions » se sont révélées parmi mes moments préférés du début de mon abstinence.

Avant qu’il ne déménage à New York, mon par­rain suivant m’a fait vivre une expérience remar­quable avec les Étapes Quatre et Cinq en utilisant la méthode décrite dans le Gros Livre. C’est alors que j’ai ressenti que j’avais réellement rejoint les AA. Je n’assistais plus simplement aux réu­nions. Quand j’ai eu six mois d’abstinence, il m’a enseigné une leçon AA majeure : « Tu en as de la chance, a-t-il dit. Il y a une réunion d’affaires ce soir et il y a des postes libres pour lesquelles tu vas te proposer jusqu’à ce que tu en obtiennes un ! » (À propos, j’ai obtenu le premier pour lequel je me suis porté volontaire : représentant d’inter­groupe.)

Mettre en pratique des Étapes qui, je croyais, seraient faciles (les Étapes Six et Sept, telles qu’abordées dans le « Douze Douze ») fut encore une leçon, une révélation du pouvoir des Étapes en action qui a transformé ma vie : j’ai appris que j’étais un alcoolique qui était aussi gai, plutôt qu’un homme gai qui se trouve aussi être alcoo­lique. Cela a ouvert un tout nouveau monde de possibilités pour les parrains, de qui je devais avoir bientôt besoin, puisque le parrain d’après a déménagé au Canada.

Au lieu de chercher un alcoolique abstinent gai comme parrain, qui me comprendrait parce que je l’étais aussi, j’ai commencé à examiner le spectre entier des AA pour trouver quelqu’un qui avait du temps ferme de sobriété et qui avait bien travaillé son programme (le côté de rétablissement du triangle), qui avait mis en pratique les Traditions dans tout les domaines de sa vie (le côté d’unité) et qui avait donné librement de lui-même (le côté service).

J’ai trouvé une telle personne et ce nouveau parrain m’a aidé à finir mon premier voyage à travers les Douze Étapes. Il s’est avéré que côté service, il n’était pas fort, alors j’ai aussi trouvé un parrain de service. Cela a ajouté une dimension supplémentaire à mon abstinence.

Depuis le soir où je suis devenu représentant de l’intergroupe à six mois d’abstinence, j’ai tou­jours eu une fonction de service, à l’exception d’une période de neuf mois, parce que j’avais déménagé.

Grâce au soutien que j’ai reçu des AA dans le groupe pendant mes premiers jours, des conseils de la série de parrains que j’ai eu et du pou­voir du programme, la vie abstinente qui me fai­sait horreur est maintenant une belle vie, pleine d’amis. Je n’aurais jamais imaginé avoir la pos­sibilité d’explorer des aspects de ma vie comme je le fais. J’ai eu l’occasion de parler devant de grands groupes sans être (complètement) terri­fié ! Certaines de mes œuvres ont été jugées dans des compétitions artistiques, et j’ai même gagné quelques prix. Je n’aurais jamais connu une telle vie si le juge ne m’avait pas « condamné » aux AA pour s’assurer que ma vie, telle que je la connais­sais, prenne fin !

Carol

« J’ai été capable d’identifier que, moi aussi, j’étais alcoolique. »

À la fin des années 1970, la culture des bars gais offrait un refuge à beaucoup de lesbiennes face à l’implacable impératif de se sentir, d’agir, de paraître, et de penser comme une hétérosexuelle, qui dominait la culture américaine en ce temps-là. Dans les bars, beaucoup de femmes gaies ont trouvé pour la première fois de l’amitié réelle et de l’amour, et pouvaient laisser tomber le déguise­ment qu’elles portaient tous les jours pour se pro­téger. Mais pour moi, les bars qui étaient d’abord un refuge sont devenus un piège alcoolique.

Au début des années 1980, je venais de quitter le premier véritable emploi que j’avais obtenu après avoir réussi tant bien que mal à l’université. Trop amochée de la veille pour me présenter au travail à temps plusieurs jours par semaine, inca­pable de penser clairement au travail, et trop hon­teuse de faire face à mes collègues (je m’étais mal comportée après avoir bu trop de vin à la récep­tion de Noël du bureau), j’ai démissionné, plutôt que d’être renvoyée. Ils ont essayé de m’aider : ils ont envoyé un sympathique professionnel des ressources humaines chez moi qui m’a demandé gentiment si j’avais un problème avec l’alcool. Honteuse et me sentant prise au piège, j’ai menti et lui ai montré la porte aussi vite que je pouvais.

Sans emploi, seule dans une ville étrange et incapable d’arrêter de boire en dépit de toutes mes promesses à moi-même, j’ai pris la décision de consacrer ma vie à l’alcool. Ne voyant aucune issue, je me suis dit que, puisqu’il n’y avait aucun espoir, autant admettre que j’étais une ivrogne et apprendre à boire doucement, apprendre à mieux contrôler tout cela. J’ai tout essayer, j’ai échoué encore et encore. Je me retrouvais souvent par terre dans la salle de bain, alternant les vomisse­ments et les prières à Dieu pour qu’il me délivre de cette misère.

Je n’ai rien compris d’abord, mais cette force que je sais aujourd’hui être ma Puissance supé­rieure a envoyé une réponse à mes prières. Elle a pris la forme d’un « blind date » avec une les­bienne déjà dans le programme. Arrivée au ren­dez-vous, j’ai commandé à boire, comme les gens le font. Je ne sais comment, elle a tout de suite su que j’étais une alcoolique et, très naturellement, elle a commencé à partager morceaux par mor­ceaux son propre problème d’alcool et comment elle s’en était sortie. Cela ressemblait tellement à mon propre problème que j’ai été capable d’iden­tifier que, moi aussi, j’étais alcoolique. J’ai du admettre que l’alcool avait vaincu toutes mes ten­tatives de le combattre.

Je me suis rapidement retrouvée assise dans une réunion AA gaie, entourée d’hommes et de femmes dont je comprenais les partages. Leurs expériences ressemblaient tant à la mienne qu’elles parlaient à mon cœur. Grâce à leurs par­tages, j’ai pu retrouver une nouvelle force et un nouvel espoir. Le premier parrain avec qui j’ai travaillé était un homme gai, parce que cela a du sens pour nous. J’ai appris à travailler les Étapes et j’ai commencé à me rétablir de l’alcoolisme actif. C’était il y a 27 ans.

Parce que les membres des AA d’hier et d’au­jourd’hui honorent la tradition de l’anonymat et se concentrent uniquement sur le but premier de l’abstinence, AA m’a offert un refuge contre les ravages de mon alcoolisme. Les autres aspects de mon identité, au-delà de ma qualité d’alcoolique ayant le désir de se rétablir, n’ont jamais posé problème.

La société a un peu changé d’attitude, et moi aussi. Aujourd’hui, je continue d’apprendre et de grandir parmi mes amis AA de tous genres et de toutes sortes, un jour à la fois. Mais j’entends tou­jours le langage du cœur lors des réunions gaies et toute personne ayant le désir d’arrêter de boire est toujours la bienvenue.
Cherche nous dans ton « Où et Quand » local (beaucoup de membres donnent ce nom à leur programme ou liste de réunions). Les réunions gaies sont listées en tant que telles. Nous te gar­dons une place.

Sammy

« Je n’avais jamais vraiment été honnête avec moi-même et avec les autres. »

J’ai toujours eu du mal à me lier avec les gens, à ressentir que je faisais partie du monde. Après six ans d’abstinence, je peux voir que les Alcooliques anonymes ont changé cela chez moi.

À 15 ans, mon père m’a mis à la porte après avoir lu mon journal et avoir appris que j’étais queer. À l’époque, je ne m’étais saoulé que quelques fois, mais ma vie de jeune à la rue m’a ouvert la porte. J’étais libérée des responsabilités de l’école ; je n’avais plus à cacher qui j’étais ; et tout le monde autour de moi buvait. Beaucoup.

En grandissant, j’avais toujours été solitaire, l’enfant harcelé de tous. L’anxiété paralysante m’accablait constamment. Mais ce n’était plus le cas. Pour la première fois de ma vie, j’avais trouvé un groupe de gens à qui je pouvais m’identifier, qui m’acceptaient. Et si ce n’était pas le cas, j’étais trop ivre pour m’en rendre compte. La consomma­tion était le ciment qui me rattachaient aux autres. Elle effaçait toute peur, toute anxiété ou blocage social que je pouvais avoir. Je pouvais conquérir n’importe quel cœur et me sortir de n’importe quelle mauvaise situation. Du moins, c’était ce que je croyais.

Après un temps, mon problème d’alcool est passé à un niveau supérieur, et je me suis retrou­vée à faire des mélanges avec des drogues illicites plus dures. Cette combinaison m’a rapidement mise à terre. Je me suis retrouvée en détention de plus en plus souvent. À 18 ans, j’avais récolté ma première peine de prison. Ma vie se désintégrait. Quand j’ai été libérée, j’ai pris la résolution ferme d’arrêter toutes drogues dures, en croyant que je n’avais pas de problème avec l’alcool. Cette façon de penser m’a rapidement conduite en centre de traitement.

Quand je suis arrivée chez les Alcooliques ano­nymes, je savais que j’étais transgenre, mais ce n’était pas ma priorité. J’avais 20 ans, et j’essayais tout juste d’apprendre comment mener ma vie et rester hors de prison. En plus, je me sentais si seule : je ne voulais pas rajouter quelque chose qui me distinguerait encore davantage des autres.

Mais après presque deux ans d’abstinence, j’ai bu de nouveau. Je pourrais dresser une liste de choses que j’aurais pu faire différemment, mais je pense que tout cela se résume à une chose : l’honnêteté. Pendant ce temps dans les AA, je n’avais jamais été vraiment honnête envers moi-même et envers les autres. J’avais trop peur pour faire confiance aux gens autour de moi. Après un court séjour « là-bas », je suis revenue chez les AA. Cette fois, la douleur l’a emporté sur ma peur.

J’ai arrêté de m’accrocher à tous ces secrets qui, je croyais, me rendaient impossible à aimer et indésirable. J’ai été réellement honnête avec mon parrain dans mon travail sur les Étapes. J’ai commencé à voir un thérapeute et à parler de mon identité de genre. Après un an d’abstinence, j’ai commencé ma transition médicale. Faire la tran­sition dans les AA a été une des choses les plus difficiles que je n’aie jamais faite. C’était public, les gens le remarquaient, et parfois, la peur du rejet m’accablait. Les gens me disaient des choses ; habituellement des mots de soutien, mais on m’a aussi dit des choses horribles, par ignorance et intolérance. En bout de ligne, ce que j’ai réelle­ment trouvé, c’est une communauté de gens qui m’ont soutenu en toutes circonstances. J’ai appris comment faire la différence entre les gens qui m’aimaient et étaient disposés à m’aider à rester abstinente et ceux qui voulaient m’exclure ou me décourager.

Finalement, le service est vraiment ce qui m’a sauvé la vie. J’avais toujours eu du mal à trouver ma place dans la vie. Je n’avais jamais eu l’impres­sion d’appartenir à la communauté LGBTQ et pen­dant longtemps, je n’étais pas sûre que j’apparte­nais aux AA. Cependant, le service au sein des AA est devenu le ciment qui continue à me lier aux gens et à ce programme. Quelque temps après avoir commencé ma transition, mon ami et parrain de service m’a invité à partager pour un comité LGBTQ à un événement AA dans une région voi­sine. J’ai parlé de mes difficultés dans les AA et des difficultés d’autres personnes trans subissant des regards de travers, des chuchotements der­rière leurs dos, et parfois même l’exclusion totale.

Après l’évènement, ce vieux grand cow-boy est venu me voir. M’attendant au pire, j’ai sentis la peur me gagner. Mais il m’a seulement remercié d’avoir partagé sur des problèmes auxquels il n’avait jamais pensé. Qui aurait cru que ce qui me séparait autrefois des autres pourrait devenir un de mes plus grands atouts ? Par le biais du travail de service, j’ai trouvé un nouveau but dans la vie et je me suis fait une foule d’amis dans tout le pays.

Aujourd’hui, j’ai l’opportunité de créer la frater­nité dont j’ai tant besoin. De plus en plus d’alcoo­liques transgenres arrivent dans nos salles et je suis heureuse d’être abstinente aujourd’hui pour les accueillir. Dans ma petite ville, il y a mainte­nant un petit nombre d’entre nous marchant sur ce chemin du rétablissement les uns avec les autres. Je n’ai plus à me sentir seule.

Irving

« J’ai réalisé qu’être gai n’était pas le problème. L’alcool l’était. »

J’ai réussi à passer quatre ans dans l’armée, en buvant sans trop de conséquences. À l’époque, on ne parlait pas de ces choses là. Pourtant, beau­coup de mes pairs faisaient leur coming out juste pour être renvoyés de l’armée. Pas moi. Je ne vou­lais rien savoir d’un renvoi déshonorant.

Néanmoins, quand mon temps dans le ser­vice s’est terminé (avec une mention honorable, pourrais-je ajouter), j’ai pris une piètre décision basée sur ma volonté têtue, et je suis retourné dans ma ville natale. Mon problème d’alcool s’est amplifié et quelques années plus tard, j’envisa­geais de déménager comme tentative de contrôler ma consommation. J’ai essayé de mener une vie d’homme ouvertement gai, mais la cure géogra­phique a échoué. Ma nouvelle vie était remplie de trous de mémoire, d’arrestations en état d’ébriété et d’accidents de voitures dans des véhicules qui ne m’appartenaient pas. J’étais malade et épuisé de ma façon de vivre.

Je n’oublierai jamais le jour où j’ai décidé de faire quelque chose pour mon problème d’alcool. J’étais aux portes d’un centre de désintoxication. J’avais peur, et je n’avais aucune envie qu’on découvre que j’étais gai. Pourtant, quand on m’a amené vers une infirmière pour l’évaluation, j’ai dit avec une grave inquiétude dans ma voix : « Je suis un homme gai, noir, qui vit dans le nord-est de l’état de Washington. » Elle m’a regardé avec des yeux remplis de sollicitude et elle a dit : « Mon cher, rien de cela n’est une condition pour être ici. » Soulagé, j’ai passé les 21 jours suivants à pleurer, à ne pas boire, à manger trois repas par jour et à prendre le repos et le sommeil dont j’avais grandement besoin.

Chaque jour passé en désintoxication me lais­sait plus confortable dans ma nouvelle peau, main­tenant à jeun. Un conseiller qui répétait simple­ment, continuellement que tout irait bien m’a rassuré. Je l’ai cru. J’ai cru beaucoup de choses que j’entendais, pas seulement de ce conseiller (un homme gai en rétablissement), mais aussi dans les réunions des AA auxquelles nous allions chaque jour. La première fois que j’ai vu les Douze Étapes suspendues au mur, mon problème m’est devenu évident. J’étais entré en désintoxication voulant agir, mais sans savoir ce que je pouvais y faire. Puis, je l’ai vu clairement sur le mur. Ces informations n’étaient pas si dures à digérer, mais ce que j’ai entendu à la réunion des AA suivante a tout changé pour moi. Pour la première fois depuis que j’avais commencé à aller aux réunions, j’ai entendu la Troisième Tradition : « La seule condition pour être membre de AA est le désir d’arrêter de boire. » Je n’avais plus à craindre que mon orientation sexuelle soit un problème, un sombre secret à dissimuler. J’avais un désir sin­cère d’arrêter de boire. C’était tout ce qui comptait.

Une des premières expressions AA qui m’est restée dans la tête était : « Apprends à écouter et écoute pour apprendre. » J’ai écouté avec atten­tion chaque jour pendant que j’étais en désintoxi­cation. Il a été suggéré que je continue à aller aux réunions dès que je sortirais du centre de désin­toxication. Je suis resté proche de deux personnes rencontrées au centre de désintoxication et nous sommes allés aux réunions ensemble à des clubs AA. Je serrais contre moi l’outil qui me gardait abstinent : la Troisième Tradition. Les gens dans les réunions ne se préoccupaient pas que je sois gai. Nous avions le même objectif commun : res­ter abstinents. J’étais toujours accueilli chaleureu­sement et on me disait à chaque fois « Reviens, ça marche ». Un jour, un ami m’a suggéré d’essayer une réunion AA gaie.

J’ai trouvé le Club du Triangle, un club AA gai dans le cœur de la communauté gaie de Washington D.C.. J’étais nerveux d’assister à ma première réunion AA gaie. Alors que je mon­tais les escaliers, j’ai été accueilli en haut par cet homme grand, noir, qui s’appelait Kent. Il m’a dit avec un énorme sourire : « Qui es-tu, mon joli ? ». C’était ma première rencontre, et non pas la der­nière, avec Kent, un membre abstinent depuis longtemps de la communauté gaie en rétablisse­ment. Kent m’a pris sous son aile et m’a aidé à me sentir à l’aise. J’ai aimé l’écouter parler de ses deux compagnons préférés : Jack Daniels et son ami, Fred. C’était par son exemple d’abstinence un jour à la fois que je me suis rendu compte qu’être gai n’était pas le problème. L’alcool l’était.

Heureusement, j’ai pu me rétablir avec l’aide de la communauté LGBTQ en rétablissement. Mon rétablissement a débuté avec des gens comme moi, qui ne cachaient pas leur orientation sexuelle ou ne se saoulaient pas à son sujet.

En assistant aux réunions des AA régulière­ment, en me réunissant avec mon parrain, en travaillant les Étapes et en me tenant près de mes compagnons de route, je suis resté absti­nent. Nous sommes tous des alcooliques. Si nous travaillons les Étapes et mettons en pratique les principes des AA dans nos vies, nous trouverons la paix par la sobriété. C’est pour cela que je suis un membre reconnaissant de ce Mouvement et que j’apprécie d’être abstinent.

Cette infirmière qui m’a accueilli au centre de désintoxication avait absolument raison : être un homme gai, être noir, n’est pas une condition pour le rétablissement ; et je suis heureux de l’avoir écoutée.

Franny

« Considérant l’histoire de ma consommation, il m’était facile d’accepter mon impuissance devant l’alcool, mais je ne pouvais pas concevoir avoir perdu la maîtrise de ma vie. »

À l’âge de 13 ans, j’avais conscience de deux désirs puissants, apparemment incompatibles, profondément ancrés au fond de moi. Je voulais être un père et je voulais être une femme. Le pre­mier était très acceptable ; le deuxième semblait foncièrement irréaliste.

J’ai grandi dans un foyer alcoolique et toute conscience personnelle était étouffée par le besoin de survivre. J’ai vu ce que l’alcool a fait à ma famille. Mais à 14 ans, j’ai pris mon premier verre, et à 15 ans, je buvais déjà jusqu’aux pertes de mémoire. La Première Étape dans le « Douze Douze » souligne que le bas fond s’est élevé et que plusieurs alcooliques s’épargnent les 15 der­nières misérables années de beuverie misérable. Je rigole en y pensant, parce que les 15 dernières misérables années de beuverie ont été mes seules années de consommation. Souvent, je me suis mis dans des situations où il m’était impossible de boire. Mais inévitablement, les circonstances changeaient, et je recommensais à me saouler de façon insensée. J’ai fait cela à maintes reprises.

Vers 26 ans, j’ai commencé à remarquer que je tolérais de moins en moins l’alcool. De petites quantités me causaient des trous de mémoire et mes gueules de bois, déjà sévères, sont devenues encore pire. Cela a continué pendant encore deux ans pendant lesquels j’ai constaté qu’à moins que je ne cesse de boire, je ne règlerais jamais aucun des autres problèmes que je croyais avoir.

Après une autre tentative pour rester à jeun, j’ai assisté à quelques réunions des AA et lu un peu des publications des AA, lisant en détails « L’Opinion d’un Médecin » dans le Gros Livre. Considérant l’histoire de ma consommation, il m’était facile d’ac­cepter mon impuissance devant l’alcool, mais je ne pouvais pas concevoir avoir perdu la maîtrise de ma vie. J’ai porté peu d’attention aux AA, et j’ai affronté la vie sans alcool à ma manière. Au bout de quelques mois, j’étais de plus en plus instable émotionnellement et mentalement. J’ai ressenti la solitude comme seulement un alcoolique peut le supporter et j’ai commencé à envisager le suicide.

Rétrospectivement, je crois qu’une intervention divine m’a soufflé l’idée que j’étais peut-être juste alcoolique, et que les AA pourraient faire quelque chose de cette folie qui s’emparait de moi lorsque je ne buvais pas. C’est là que j’ai commencé à participer activement aux AA, comprenant main­tenant pleinement la Première Étape. Malgré ça, il a fallu cinq ans d’abstinence avant que l’expres­sion « de graves désordres émotifs et mentaux » dans « Notre Méthode » ne me fasse frissonner. Alors, après huit ans, j’ai vu mon incapacité à for­mer un véritable lien avec un autre être humain. Ces étapes cruciales sont parvenues à grande­ment m’humaniser, et ainsi la personne qui n’avait jamais eu de relation soutenue avec qui que ce soit est devenue disponible. J’ai rencontré ma future femme à ce moment-là et nous avons vécu deux ans ensemble avant de nous marier.

Pendant ce temps, nous avons discuté de notre désir de fonder une famille et j’ai commencé à explorer mes sentiments profondément réprimés de féminité. Elle était ouverte et disposée à ce non conformisme chez moi et, petit à petit, nous avons trouvé des façons de l’intégrer à notre relation.
Après deux ans de mariage, notre premier fils est né et ensuite, deux ans plus tard, un deuxième fils est venu au monde. Tenir ces garçons dans mes bras 20 minutes après leur naissance, alors que l’infirmière de la maternité remplissait leurs actes de naissance et prenait leurs empreintes de pieds, ont été les deux plus beaux jours de mon rétablissement.

Alors que ces garçons grandissaient, la réalité de la paternité m’est apparue primordiale et je ne me suis jamais vraiment senti privé de mon côté féminin. Le programme des AA m’avait appris à réduire mes exigences.

Le temps a semblé passer si vite ; mes fils sont partis à l’université. Les souvenirs de change­ments de couche étaient encore frais dans ma mémoire. Bien qu’ils me manquaient terriblement et qu’ils me manquent toujours, une nouvelle liberté s’est présentée. Le programme des AA est devenu encore plus important pour moi et j’ai pu explorer mon monde intérieur encore plus profon­dément.

Avec le changement graduel de mon aspect extérieur, j’ai reçu un accueil froid de la part de certains de mes amis AA, mais mon groupe d’at­tache était d’un grand secours chaleureux. Le Mouvement des AA est si vaste que j’ai décou­vert de l’acceptation et une attitude généralement accueillante envers ma non conformité de genre.

Quand je compare l’alcoolique en colère, qui se détestait, qui a rencontré les AA il y a tant d’an­nées avec celui que je suis aujourd’hui, je ressens une profonde gratitude.

Le cadeau que j’ai reçu de l’abstinence au sein des AA en est un dont j’ai pris conscience seule­ment récemment. Aujourd’hui, je suis la personne au bon cœur que j’ai toujours voulu être.

Vincent

« Je croyais que j’étais différent. »

D’aussi longtemps que je me souvienne, je me suis toujours senti différent. J’ai grandi dans une famille aimante dans le Midwest. Quand j’étais très petit, je me souviens d’avoir dit à ma mère : « Maman, je crois que j’aurais du être une fille. » « Oh, ne sois pas ridicule », m’a-t-elle dit en se penchant à ma hauteur, en me regardant droit dans les yeux. « Tu étais destiné à être un garçon. » Je pouvais voir l’amour dans ses yeux alors qu’elle me disait ces mots. J’ai voulu le croire ; je l’ai vraiment voulu. Je n’en ai jamais parlé à nouveau.
Emmitouflé sous les couvertures, je me retrou­vais dans mon lit sous la fenêtre et je levais les yeux au travers pour voir les étoiles dans le ciel

nocturne. J’avais l’impression d’être tombé ici par erreur. Je savais juste que je n’avais pas ma place ici sur terre et je priais, en scrutant le ciel, pour qu’un vaisseau spatial se manifeste pour revenir me chercher. Chaque nuit amenait le même appel désespéré et chaque matin, je me réveillais avec mes derniers souvenirs de frustration et d’aban­don désespérés.

En grandissant, je ressentais que j’étais une femme à l’intérieur, piégée dans le corps d’un homme. J’avais autant de préférences sexuelles pour les femmes que pour les hommes. Au cours des années 70, j’allais au centre-ville dans un club où il y avait un mélange de gens de toutes les orientations sexuelles ; une boîte de nuit LGBTQ. Là-bas, je ne me sentais pas si différent, jusqu’à ce que, une nuit, je sois la victime d’un crime de haine horrifiant, attaqué par trois hommes alors que je quittais le club. De nombreuses heures de douleur indescriptible, atroces, s’étaient écoulées quand, par une série d’événements étonnants (que j’aime voir aujourd’hui comme l’œuvre de ma Puissance supérieure), j’ai été capable de m’enfuir avec la vie sauve.
De peur, j’ai caché mon « vrai moi » du monde extérieur. Je me suis isolé et je ne faisais plus confiance à aucun homme. Je me suis coupé de la majeure partie de la société et l’alcool est devenu mon seul ami. Ma vie a continué à se détériorer pendant des décennies d’abus d’alcool, avec une série d’arrestations et de conséquences juridiques. J’ai fui le Midwest dans une cure géographique. Mais j’ai constaté que partout où j’allais, j’y étais.

Arrêté de nouveau dans un État différent, je me suis rendu chez les AA, vaincu. Effrayé, j’ai gardé mon « secret », que j’ai cru devoir enfouir au fond de moi jusqu’à ma mort.

L’emploi que j’avais trouvé a finalement deman­dé que je déménage de la Côte Ouest à la Côte Est. Pétrifié par ce changement, avec peu de temps d’abstinence derrière moi, j’ai partagé à ce sujet lors d’une réunion. Une femme avec 26 ans d’abstinence a alors pris la parole. En me regardant directement de ses yeux souriants, elle a dit : « Souviens toi toujours… La joie est dans le voyage. » Deux semaines plus tard, je suis parti à l’aventure à l’autre bout du pays.

Une fois sur la Côte Est, j’ai trouvé immédia­tement une réunion des AA qui est devenue mon nouveau groupe d’attache. J’avais du mal à trou­ver un parrain et j’ai contacté la femme aux yeux souriants. Pour la première fois, j’ai été honnête avec un autre être humain à propos de qui j’étais et de ce qui m’était arrivé. Je lui ai demandé si elle pouvait me parrainer jusqu’à ce que je trouve un parrain sur la Côte Est. Elle a été d’accord et m’a demandé de prier pour un parrain. Elle m’a dit que Dieu m’en enverrait un.

Un jour, un homme est venu me voir après la réunion de mon groupe d’attache et m’a dit : « Tu sembles avoir besoin d’un parrain et je suis disponible. » J’ai fondu en larmes ; je ne pouvais pas croire que l’on ait répondu à ma prière, qu’il y avait vraiment un Dieu. Cet homme est devenu le premier homme à qui j’ai tout dit. J’ai même révélé mon secret le plus profond : ma mère, sur son lit de mort, m’avait révélé que j’étais né tant mâle que femelle ; que j’avais été chirurgicalement trans­formé pour être un garçon. J’ai pleuré alors que je devenais honnête, car je savais que j’étais diffé­rent. Cet homme a suggéré que nous fassions des recherches sur ma condition sur Internet et nous avons appris que je suis un individu « intersexuel », et qu’ils ont même des groupes de soutien !

Je suis si reconnaissant pour ce que cet homme a fait pour moi. Ma marraine aux yeux souriants a alors dit que Dieu ne fait aucune erreur, que j’aiderais d’autres alcooliques qui sont comme moi un jour et elle a dit qu’elle était sûre qu’il y en a beaucoup chez les AA.

Mes pensées sur ma grande différence étaient erronées. Je ne suis pas unique et grâce aux AA et à ceux que Dieu a mis dans ma vie, j’ai été libéré ! Aujourd’hui, j’ai de l’espoir et un objectif. Aujourd’hui, je remercie Dieu de ce qu’Il a fait de moi ; j’ai vraiment ma place ici sur terre, puisque nous marchons ensemble sur le long de ce che­min de liberté.

Moriah

« Au bout du compte, j’ai commencé à compter sur l’alcool pour tout et n’importe quoi. »

L’un de mes premiers souvenirs est de m’être senti inadéquat. J’avais beaucoup d’anxiété, beau­coup de peurs, et ma mère avait l’habitude de me dire que je m’en faisais pour rien alors que je n’avais que quatre ans. Je me souviens d’avoir observé mon frère grandir. Il avait l’air bien dans sa peau. J’avais l’impression qu’il me manquait quelque chose et j’ai réalisé rapidement ce que c’était. J’ai demandé à ma mère quand est-ce que mon « pierrot » allait grandir. La réponse de ma mère a été : « Jamais, parce que tu es une fille et les filles n’ont pas de pierrot. Dieu t’a fait parfaite telle que tu es. »

J’ai commencé à me sentir vraiment en colère. J’avais cette angoisse à l’intérieur de moi, comme si mes poings étaient contractés tout le temps et que mon corps était comprimé. À 10 ans, j’ai demandé s’il y avait une chirurgie qui enlèverait ma poitrine parce que j’avais commencé tôt à me développer. Elle m’a dit : « Non, mon trésor, tu en auras besoin pour tes bébés. » J’ai commencé à me cacher davantage. Je portais des vêtements larges. Mon angoisse et ma colère ont augmenté de plus en plus.

Il s’est passé beaucoup d’évènements boulever­sants dans ma vie, puis, quand j’avais 15 ans, j’ai eu ma première expérience avec l’alcool. Je me souviens lorsqu’il a touché mes lèvres, et lorsque j’ai avalé. C’était plutôt dégoûtant, mais je me suis sentie détendue pour la première fois, enfin confortable dans ma peau. Je n’avais plus envie de mourir. J’en ai voulu plus.

J’ai commencé à boire aussi souvent qu’il m’était possible, jusqu’au point où rien n’avait plus d’importance, où je me sentais à nouveau bien. C’est ainsi que cela a été pendant des années. Ça marchait ; cela a aidé.
À 20 ans, j’ai découvert davantage sur l’homme transgenre que j’étais. J’ai passé de femme à homme à l’âge de 22 ans et cela m’a vraiment sauvé la vie. J’allais assez bien pendant quelque temps, je n’avais pas vraiment besoin de boire et j’étais confortable avec moi-même. Mais au final, j’ai commencé à compter sur l’alcool pour tout et n’importe quoi.

J’ai commencé à devenir très déprimé de nouveau et mon niveau d’angoisse est monté en flèche. J’étais constamment sous tension, les poings crispés, le corps tendu. L’alcool avait cessé de fonctionner. Je buvais de plus en plus, en quête de ce confort. Mais je semblais ne jamais y parve­nir peu importe combien je buvais. J’avais alors 30 ans. Je me suis senti seul, effrayé et déprimé. J’avais frappé un bas fond émotionnel. J’avais détruit des amitiés et des relations familiales et je n’avais plus nulle part où aller.

Je savais que j’avais un problème d’alcool, mais je ne croyais pas être un alcoolique. Je voulais trouver des gens qui avaient le même rapport que moi à l’alcool, alors j’ai cherché « AA » dans Google et cela m’a mené à mon bureau central local. Là, une femme m’a aidé à trouver les réu­nions LGBTQ locales, où j’ai été accueilli. Je suis allé à ma première réunion ce soir-là et je me suis retrouvé entouré par des gens qui comprenaient par quoi je passais. Quand j’ai quitté cette réunion, j’étais impatient de me rendre à la suivante. J’ai senti immédiatement du soulagement ; un soula­gement sain. J’ai rencontré de nouveaux amis et j’ai commencé à m’entourer de gens qui m’inspi­raient : j’aimais comment ils géraient leurs émo­tions et leurs rapports avec les autres. Voulant cela, j’ai commencé à faire ce qu’ils faisaient, j’ai commencé à suivre leurs suggestions.

Je suis vite entré dans le service, j’ai trouvé un parrain et j’ai commencé à travailler les Étapes, qui se sont révélées être une véritable solution à toute l’angoisse, la frustration et la colère que j’avais ressenti dans le passé. En travaillant les Douze Étapes, en allant aux réunions et en me rendant utile, je ne me suis jamais senti aussi libre, calme et fier d’être qui je suis et je sais que les gens peuvent compter sur moi et être présents. Pour la première fois, j’ai commencé à m’aimer vraiment, ce qui m’a amené, en retour, à vraiment aimer les autres.

Sharon

« Toute ma vie, je n’avais fait que fuir : fuir mes peurs, mon enfance abusive, l’alcool et mon identité de lesbienne. »

J’ai commencé à m’automédicamenter à un âge précoce. Je me mentais à moi-même, en me disant que je n’avais aucune peur, quand en fait, la peur me dévorait de l’intérieur. J’étais paraly­sée, incapable d’apprendre ou même de fonction­ner dans un monde qui était pour moi hostile. J’ai bu pour échapper aux pensées horribles que j’avais chaque fois que j’étais assez sobre pour me rendre compte de ma situation. Boire m’a libérée des peurs asphyxiantes, des sentiments d’insuf­fisance et des voix harcelantes dans ma tête qui me disaient que je ne serais jamais à la hauteur. Je savais que j’avais un problème ; ce que j’ignorais, c’est qu’il me faudrait près de quatre décennies pour apprendre la vérité sur moi-même et mon nouvel ami, l’alcool.

Je vivais en Alaska. J’essayais tout en mon pou­voir pour mettre fin à ma consommation. Je me suis aussi rendue compte que j’étais gaie. Et mon monde s’est mis à tourbillonner. Les sentiments de désespoir et de dépression progressant, ma consommation faisait de même. Être rejetée par la société parce que j’étais lesbienne, et par ma mère (qui me disait que j’étais « mauvaise » et, en gros, que j’irais en enfer) n’a pas aidé. Ayant été élevée dans une religion stricte, j’ai même essayé d’aller en mission religieuse dans l’espoir que Dieu me guérirait d’être une alcoolique et une lesbienne. Inutile de vous dire que ce plan n’a pas fonctionné. Les pensées suicidaires sont devenues de plus en plus fréquentes. J’avais le sentiment que rien ne changeait jamais. Le désespoir était exacerbé par le fait que ce qui me soulageait était en train de me détruire. J’étais au bord du gouffre. Je détestais la vie et je regrettais d’être née. J’avais toujours au cœur ce terrible sentiment : « À quoi bon ? Rien n’en vaut la peine. »

J’ai essayer les Alcooliques anonymes en 1976 et j’ai continué à essayer pendant des années. Un conseiller m’a encouragée à continuer. À ce moment-là, je vivais dans l’Utah (une autre grande idée) seulement pour découvrir que les gens boivent en Utah, eux aussi ! Finalement, en 2006, j’ai été bénie par le cadeau du désespoir. J’ai appe­lé le bureau central local des AA pour trouver une réunion gaie et il y en avait une ce soir-là. J’avais peur d’y aller seule, alors j’ai demandé à mon voisin de venir avec moi. Mes peurs étaient sans fondement, en fait, et je me suis enfin retrouvée entourée de gens avec qui je pouvais m’entendre. Je ne me sentais plus comme une rejetée de la société : je me trouvais dans une pièce remplie de personnes qui s’étaient toutes senties comme moi.

Avant d’entrer dans les salles des AA, j’igno­rais que toute ma vie, je n’avais fait que fuir : fuir mes peurs, mon enfance abusive, l’alcool et mon identité de lesbienne. J’avais essayé de contrôler quelque chose qui était plus grand que moi. Aujourd’hui, je me sens bien dans ma peau. Je suis en paix avec qui je suis et avec le monde autour de moi. Je ne suis plus à la merci d’une maladie qui me dit que la seule solution est de boire.

J’ai aussi appris que j’ai ma place dans chaque réunion des AA, et non pas seulement dans les réunions gaies ou lesbiennes. J’ai constaté que si la bonne volonté est la clé pour déverrouiller les portes de l’enfer, c’est l’action qui ouvre ces portes pour que je puisse marcher librement parmi les vivants.

J’ai maintenant un but dans la vie. Ce ne sont pas des ambitions de grandeur, mais des objectifs de la vie quotidienne. Je veux garder la paix, la sérénité et la tranquillité que j’ai trouvées.

J’ai gagné l’amour et la compréhension d’un Dieu bienveillant, qui m’a délivré de la déchéance pour un endroit sûr, d’où je suis capable de récol­ter les riches récompenses qui viennent en mani­festant un peu d’amour pour les autres et en les servant du mieux que je peux.

Ma vie est devenue plus que je n’aurais jamais pensé possible, uniquement parce que je suis dis­posée à croire que les AA peuvent marcher pour moi aussi. Si Dieu le veut, je vivrai encore un autre 24 heures d’abstinence.

La méthode des AA

AA offre un cheminement qui a fait ses preuves, qui peut mener au rétablissement. En écoutant de nombreux hommes et de nombreuses femmes des AA qui partagent franchement et ouvertement à propos de leur alcoolisme, nous en venons à reconnaître que nous aussi, nous souffrons de la même maladie. En utilisant les Douze Étapes des AA et les principes des AA, sur lesquels nous en venons à compter, nous découvrons de nouvelles façons de vivre. Si nous sommes disposés à être honnêtes au sujet de notre consommation et à appliquer sérieusement ce que nous apprenons sur nous-mêmes chez les AA, nos chances de nous rétablir sont bonnes.

Où trouver les AA

Il y a des groupes des AA dans les grandes villes, les régions rurales et les villages, partout dans le monde. Beaucoup d’intergroupes AA ou de bureaux centraux ont des sites Internet où les renseignements sur les réunions des AA locales peuvent être trouvées, et presque n’importe où aux États-Unis ou au Canada, vous trouverez un numéro de téléphone des AA. Ces ressources peuvent vous aider à vous diriger vers une réu­nion dans votre communauté. De plus, les ren­seignements sur les réunions locales peuvent souvent être obtenus auprès des médecins et du personnel soignant, du clergé, de la presse, des corps policiers, des hôpitaux, des centres commu­nautaires et des centres de traitement en alcoo­lisme qui sont familiers avec notre programme.

Chaque groupe des AA s’efforce de fournir un lieu de rencontre sûr à tous les participants et d’encourager un environnement sécuritaire et enrichissant. Chez les AA, l’expérience, la force et l’espoir que se partagent des alcooliques absti­nents sont la bouée de sauvetage vers la sobriété ; notre souffrance commune et notre solution com­mune transcendent la plupart des difficultés, en nous aidant à créer les conditions dans lesquelles transmettre le message d’espoir et de rétablisse­ment de AA à l’alcoolique qui souffre encore.
Beaucoup d’alcooliques LGBTQ se sentent tout à fait confortables dans n’importe quel groupe des AA. Pourtant, beaucoup de communautés AA ont aussi des groupes d’intérêt spéciaux pour les personnes LGBTQ, où il peut être plus facile de s’identifier comme alcoolique ou de s’ouvrir sur certaines questions personnelles.

« Après être arrivé chez les AA et avoir écouté les gens partager leur expérience, leur force et leur espoir », dit un membre des AA, « ces peurs mystérieuses ont commencé à disparaître. Je me suis rendu compte que les membres des AA me comprenaient : quelque chose que j’avais recher­ché toute ma vie. Cette terrible sensation d’être à part de la race humaine et cette solitude ont com­mencé à disparaître. »
Si vous ne pouvez pas localiser un groupe dans votre région, veuillez contacter le Bureau des Services Généraux des Alcooliques anonymes, Box 459, Grand Central Station, New York, New York 10163, (212) 870-3400, www.aa.org. Ils vous mettront en contact avec le groupe le plus proche de chez vous.

LES DOUZE ÉTAPES DES ALCOOLIQUES ANONYMES

1. Nous avons admis que nous étions impuis-sants devant l’alcool, que nous avions perdu la maî-trise de notre vie.

2. Nous en sommes venus à croire qu’une Puissance supérieure à nous-mêmes pouvait nous rendre la raison.

3. Nous avons décidé de confi er notre volon-té et notre vie aux soins de Dieu tel que nous Le concevions.

4. Nous avons procédé sans crainte à un inven-taire moral, approfondi de nous-mêmes.

5. Nous avons avoué à Dieu, à nous-mêmes et à un autre être humain la nature exacte de nos torts.

6. Nous étions tout à fait prêts à ce que Dieu élimine tous ces défauts.

7. Nous Lui avons humblement demandé de faire disparaître nos défauts.

8. Nous avons dressé une liste de toutes les personnes que nous avions lésées et nous avons consenti à réparer nos torts envers chacune d’elles.

9. Nous avons réparé nos torts directement envers ces personnes dans la mesure du possible, sauf lorsqu’en ce faisant, nous risquions de leur nuire ou de nuire à d’autres.

10. Nous avons poursuivi notre inventaire per-sonnel et promptement admis nos torts dès que nous nous en sommes aperçus.

11. Nous avons cherché par la prière et la mé-ditation à améliorer notre contact conscient avec Dieu, tel que nous Le concevions, Lui demandant seulement de connaître Sa volonté à notre égard et de nous donner la force de l’exécuter.

12. Ayant connu un réveil spirituel comme ré-sultat de ces étapes, nous avons alors essayé de transmettre ce message à d’autres alcooliques et de mettre en pratique ces principes dans tous les domaines de notre vie.

LES DOUZE TRADITIONS
DES ALCOOLIQUES ANONYMES

1. Notre bien-être commun devrait venir en premier lieu ; le rétablissement personnel dépend de
l’unité des AA.

2. Dans la poursuite de notre objectif commun, il n’existe qu’une seule autorité ultime : un Dieu d’amour tel qu’ il peut se manifester dans notre conscience de groupe. Nos chefs ne sont que des serviteurs de confi ance, ils ne gouvernent pas.

3. Le désir d’arrêter de boire est la seule condition pour être membre des AA.

4. Chaque groupe devrait être autonome, sauf sur les questions qui touchent d’autres groupes ou l’ensemble du Mouvement.

5. Chaque groupe n’a qu’un objectif primordial, transmettre son message à l’alcoolique qui souffre encore.

6. Un groupe ne devrait jamais endosser ou fi nancer d’autres organismes, qu’ils soient apparentés ou étrangers aux AA, ni leur prêter le nom des Alcooliques anonymes, de peur que les soucis d’argent, de propriété ou de prestige ne nous distraient de notre objectif premier.

7. Tous les groupes devraient subvenir entièrement à leurs besoins et refuser les contributions de l’extérieur.

8. Le mouvement des Alcooliques anonymes devrait toujours demeurer non professionnel, mais nos centres de service peuvent engager des employés qualifi és.

9. Comme Mouvement, les Alcooliques anonymes ne devraient jamais avoir de structure formelle, mais nous pouvons constituer des conseils ou des comités de service directement responsables envers ceux qu’ils servent.

10. Le mouvement des Alcooliques anonymes n’exprime aucune opinion sur des sujets étrangers ; le nom des AA ne devrait donc jamais être mêlé à des controverses publiques.

11. La politique de nos relations publiques est basée sur l’attrait plutôt que sur la réclame ; nous devons toujours garder l’anonymat personnel dans la presse écrite et parlée de même qu’au cinéma.

12. L’anonymat est la base spirituelle de toutes nos traditions et nous rappelle sans cesse de placer les principes au-dessus des personnalités.

DÉCLARATION D’UNITÉ

Parce que nous sommes responsables de l’avenir des AA,
nous devons : placer notre bien-être commun en premier
lieu et préserver l’unité de l’association des AA, car de cette
unité dépendent nos vies et celles des membres à venir.

rappelle sans cesse de placer les principes au-dessus des personnalités.

JE SUIS RESPONSABLE…

Si quelqu’un quelque part tend la main en quête d’aide, je
veux que celle des AA soit toujours là.

Et de cela : Je suis responsable.  

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